Itinéraire : le géoarchitecte

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1. « On s’est mis à parler de Brest la grise quand à la fin des années 70, au début années 80, on a commencé à voir qu’on avait oublié de repeindre.En 90, la ville était d’une tonalité grise très homogène ! Je garde précieusement une photo que j’avais prise à ce moment là : une seule note de couleur, c’était une personne qui avait sorti un parasol orange et jaune sur son balcon, le reste de la photo est totalement grise. »


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2. « Il est clair que dans une ville comme celle là,on ne déplace pas le monument aux morts ! C’est impensable. Le passé n’est quand même pas pesant. On en parle peut-être même pas assez.C’est à dire que cette mémoire là existe dans quelques mémoriaux mais elle n’est pas présente au quotidien. »


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3. « Il reste toujours une sorte de malaise vis à-vis de la ville reconstruite. La rue de Siam a la réputation d’être une rue absurde dans le sens des vents dominants, où l’on ne peut pas tenir debout quand il y a une tempête. La mythologie s’est construite là dessus. Il y a toujours cette idée que cette ville là ne sert que pour quelques commerces pour les escales de porte-avions étrangers, où là, effectivement, la rue est assez vite envahie d’uniformes ! »


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4. « C’est juste ridicule ! Ce sont des logements de fonction, probablement d’officiers supérieurs de la marine. »


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5. « Je vous rappelle que la Marine n’est pas soumise au permis de construire, du tout. Et ça se voit ! Elle a construit à peu près n’importe quoi. Au nom du secret militaire, ils sont exonérés de toute forme de contrôle. La chose beige, là … Et celui qu’ils ont perché sur le contrefort, c’est pas joli, joli. »


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6. « Il y a du remblai. On voit bien le terrain pseudo-naturel qui est en dessous et il y avait la première assise des Corderies. La ville ancienne était un peu de bric et de broc, pas très coordonnée. Surtout ici, on est au dessus des venelles de Keravel, donc le quartier chaud du port était ici, en dessous. Là, on est à trente mètres au dessus, la vieille ville était au niveau des quais. »


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7. « Entre les deux rives, il y a toujours deux populations, ce sera un des défis des Capucins, soit ça reste un îlot, soit la greffe arrive à prendre, il y a quand même une opération de renouvellement urbain sur le reste du quartier de Recouvrance. Il y a des habitants de chaque rive. Un habitant m’a dit l’autre jour « La rive gauche, je connais pas bien, je n’y vais jamais». Il n’était pas très âgé, il devait avoir trente ans. »


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8. « Le téléphérique vient de plusieurs difficultés opérationnelles. On a les Grands Ateliers, on était sûrs dès le départ que ce serait une intervention publique. Ensuite, il faut vendre le terrain à l’arrière aux promoteurs. Pour leur vendre, il faut les persuader que c’est le centre-ville … c’est pas gagné ! L’idée d’un pont a été écartée par la collectivité. Mais cette idée qu’ils avaient chassé par la porte est tout de même revenue par la fenêtre parce que les promoteurs se sont rendus compte que, en l’absence de liaison, il y avait un problème. »


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9. « L’immeuble bleu appartient à une catégorie très particulière, c’est ce qu’on appelle les HLM Marine, c’est à dire que la Marine a son propre office, un parc immobilier pour loger ses ouvriers, ses marins. Il n’y a pas de murs autour parce qu’ils sont dans la vie civile mais le terrain est une dépendance de la Marine. »


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10. « Pour le tirant d’air, je ne sais plus quelle est en mètres l’exigence de la Marine, mais elle est très élevée. Ça correspond aux exigences des années cinquante et elles n’ont pas faibli. On a imaginé une passerelle piétonne, mais c’est déjà difficile de passer sur le Pont de l’Harteloire, mais ici, pour un piéton … On imagine, les jours de vent, une passerelle qui tremble un peu, personne ne se risquerait sur un édifice pareil ! »


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11. « Ça fait partie des expérimentations de la reconstruction. Ce super-îlot avant l’heure où on a une coquille d’immeubles à trois ou quatre niveaux et, à l’intérieur des petites maisons individuelles. »


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12. « Le bâtiment de la gendarmerie est repéré sur la ZPPAUP a cause de sa silhouette plus qu’à cause de son architecture. Il fabrique le fond de perspective des abords du pont, qui est une figure quasiment  néoclassique. La façade de la gendarmerie définit le fond de la place, mais c’est tout. »


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13. « Il y a encore beaucoup de difficultés à évoquer la période, en tout cas. Les témoins, eux, vivent la ville assez sereinement, alors que si on interroge ceux que l’on appelle communément les élites de la ville, ils n’en finissent pas de dire que la ville était sûrement mieux avant, alors qu’ils n’en savent rien. Il y a tout un discours pour détester cette ville là. J’ai souvent parlé avec des associations, les Amis de Recouvrance, des gens qui avaient vécu la reconstruction, et pour eux, il disent que l’ancienne ville, de toute façon, il aurait sûrement dû en démolir un peu si l’on voulait vivre décemment ! Elle aurait de toute façon changée et c’était tant mieux. La vision nostalgique, c’est aussi un discours reconstruit ! »


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14. « Le point de départ c’est 1982-83, au moment où l’université organise le premier colloque des villes reconstruites, et là où l’on découvre qu’on peut faire venir cent cinquante personnes de quarante pays différents qui ont le même problème. C’est parti de là, de l’université d’abord, et ensuite de manière plus élargie, des questionnements sur l’architecture de la reconstruction et comment pouvoir reparler de ce patrimoine là. Sinon, avant ça, il y a quelques formules célèbres : l’écrivain Daniel Pennac qui écrit « Brest, c’est notre Berlin Est à nous. ».