Le récit du phasage

Le phasage de la densification se conçoit en prenant pour appui deux références : la rénovation de 60 maisons locatives sociales avec les habitants à Boulogne-sur-mer par l’Atelier Construire [a] ainsi que la rénovation urbaine du centre historique de Bologne en 1976 [b].

Le phasage débute par l’arrivée d’un nouvel habitant: un architecte dont la maison à vendre de l’îlot lui est mise à disposition par la Mairie.

Le rôle de ce maître d’œuvre est de sensibiliser les habitants à la densification par le biais de balades urbaines et d’entretiens. L’acte fondateur est la construction sur cette même parcelle d’une maison-témoin, une maison du projet accueillant les ateliers et les conférences. La maison du projet est un lieu de permanence architecturale pour l’architecte. Générer les premiers échanges avec les habitants permet de recueillir leurs attentes, rassembler les demandes ponctuelles, cibler les zones d’intervention prioritaires à la réhabilitation, définir les grandes orientations de densification.

L’îlot ne comporte pas de patrimoine public construit qui pourrait servir de volant de mobilité de la population pendant les travaux de réhabilitation. Toutefois, les associations ont un rôle à jouer. Tout d’abord, l’église Chrétienne évangélique exerce dans des bâtiments en mauvais état, construits au fil du temps et remplissant l’entièreté de la parcelle. Ensuite, les bénévoles du Relais Parental de la Croix Rouge Française se disent être satisfaits de leurs locaux mais ne possèdent pas de jardin pour les enfants qu’ils logent. En effet, le foncier non construit sert actuellement de parking. L’acquisition d’une partie de leur foncier à l’amiable peut permettre à ces associations d’améliorer leur qualité d’exercice. La Croix Rouge Française accepte. Il en est autrement pour l’église Chrétienne évangélique qui préfère qu’on lui achète tout son terrain. Cette première négociation enclenche deux opérations importantes : la construction de logements temporaires.

Ainsi que la réhabilitation des bâtiments de la Reconstruction les plus obsolètes.

Une convention est signée entre la municipalité et les propriétaires des appartements qui prévoit l’intégration automatique d’un pourcentage de personnes âgées et d’étudiants, et des loyers maintenus bas. La réhabilitation propose une isolation par l’intérieur côté rue et par l’extérieur côté coeur d’îlot, la construction d’une terrasse plus spacieuse que les actuels balcons, l’ajout d’un ascenseur et la relocalisation des circulations communes en coeur d’îlot. En fond de parcelle, des maisons groupées et individuelles sont construites en évitant le vis-à-vis. Les locaux vacants du rez-de-chaussée sont mis aux normes et investis par de jeunes entrepreneurs de la construction. Ils prennent part au chantier qui suit en échange de la dispense de payer un loyer. Dans les phases qui suivent, un effet d’entraînement est généré par des initiatives privées. Des scénarios de vie type donnent des profils de ménages susceptibles de créer de nouveau logements : investissement locatif, vente d’un terrain pour apport financier, construction d’un logement pour un parent, vente d’une partie de son jardin devenu trop grand. La construction d’un logement pour un parent et l’investissement locatif concernent les maisons individuelles et les petits collectifs de deux foyers.

La densification agit par acupuncture, si bien que la Maison du Projet se transforme rapidement en Maison du Chantier. Celle-ci se veut ouverte sur la ville en impliquant des entreprises locales et des jeunes apprentis à la construction. L’arrivée de nouveaux habitants nécessite l’installation d’une conciergerie. Ensemble, les habitants créent une Société Coopérative d’Intérêt Collectif. En souscrivant à la SCIC, les propriétaires bénéficient, en échange d’un bout de leur parcelle, de prestations relatives à l’amélioration des performances énergétiques de leur habitation. Il en résulte un collectif d’acteurs locaux intégrant des entreprises et permettant de combiner réhabilitation et constructions neuves. ‘‘La SCIC est une entreprise dont les sociétaires peuvent être privés ou publics et dont les bénéfices sont réinvestis. Ce n’est pas un outil de spéculation, mais d’investissement, porté sur des partenaires qui partagent des valeurs communes : on investit dans le capital – financièrement, en nature, en services – et, quand on quitte la SCIC, on récupère sa mise, mais sans intérêts’’1. Là où la densification n’a pas encore eu lieu, les acteurs concernés par l’appel aux futurs habitants, qu’ils soient des promoteurs immobiliers ou des bailleurs sociaux, respectent les orientations fixées précédemment et associent les futurs habitants trois ans avant l’entrée dans leur futur logement. Une crèche s’installe au rez-de-chaussée du bâtiment qui jouxte le Relais Parental de la Croix Rouge. Ils partagent un jardin commun pour les enfants. Cet équipement connecte définitivement l’îlot au reste de la ville.