Les zones commerciales : un existant critique?

Les zones commerciales sont des « types », des modèles presque invariables, qu’on retrouve dans nombre de nos périphéries. Qualifiées de métastases, ces zones ont pullulé jusqu’à devenir un emblème de la « France moche », satire symptomatique de la perception que nous avons tous, chercheurs, consommateurs, urbanistes, de ces zones.

Elles ont toutes comme faiblesse, y compris celle de Trignac, d’avoir été conçue comme des morceaux de ville résolument à part, des ilots commerciaux autonomes, renfermés sur eux-mêmes. Elles sont pourtant implantées dans des situations urbaines délicates : les entrées de villes.

Vue sur l’entrée de St Nazaire, depuis l’échangeur de Certé

Ces entrées de ville, sur lesquelles une réflexion émerge aujourd’hui, ont été quelque peu sacrifiées dans les années 60 à 80, au profit des voies rapides, échangeurs, boîtes à chaussures, lotissement et autres types du péri-urbain. Le foncier de ces espaces, peu cher, disponible en quantité et rendu accessible grâce à l’essor automobile, en a fait les lieux de prédilection des programmes comme les centres commerciaux et les zones industrielles et d’activités.

Cependant, leur situation d’interface à l’entrée des villes induit des enjeux capitaux : donner une image valorisante de la ville, tisser une couture harmonieuse entre ville et campagne, organiser un système de mobilité efficace entre tissu continu et diffus mais aussi des enjeux paysagers et environnementaux, propres aux franges de la ville.

Les franges de la ville, ses limites et ses traverses

Néanmoins, malgré leur faible qualité urbaine et paysagère, ces espaces périphériques restent attractifs, tant pour les entreprises qui s’installent dans des ZI que pour les familles qui peuvent accéder à la propriété dans l’un des pavillons des lotissements du péri-urbain.

En dépit de l’imaginaire peu élogieux que convoque les espaces péri-urbains, ce sont des lieux de vie qu’il convient d’intégrer dans une stratégie globale d’aménagement de la ville : le développement des espaces périphériques ne doit pas nuire aux espaces centraux, de même, le développement des centres-villes ne doit pas se faire au détriment de ces espaces périphériques.

Ainsi, agir sur la zone commerciale et opérer pour fournir un cadre de vie plus qualitatif aux habitants de Certé n’entre pas en opposition avec les stratégies menées dans le centre-ville de St Nazaire.

Les espaces péri-urbains ou périphériques ne sont pas des sous-espaces de la ville, ou en tout cas ils ne doivent plus l’être.

Repenser ces espaces pour les faire évoluer vers plus d’urbanité, tant sur le plan urbain, architectural que de usages et mobilités, est donc l’enjeu principal qui guide le projet.

Toutefois, la question du financement et les logiques économiques qui régissent ces zones s’opposent bien souvent à leur transformation. Les bénéfices économiques de ces zones reposent en partie sur le prix initial dérisoire du foncier et l’immense plus-value gagnée grâce aux recettes des multiples enseignes installées sur la zone, appartenant souvent à un seul et même groupe.

« Promo », « self discount », « prix », « 30% »… quand les logiques économiques dominent

Concilier ces logiques économiques avec une meilleure qualité architecturale et urbaine qui permettrait une meilleure intégration du bâti dans son environnement mais ferait, immanquablement, augmenter le coût de construction semble donc impossible.

La situation actuelle annonce cependant un retournement de la situation : l’arrivée du e-commerce et une prise de conscience globale quant à la surconsommation, annonce le déclin des zones commerciales, comme une prophétie. 

« Si puissants soient-ils, les grands groupes de distribution s’interrogent sur leur avenir. Les centres commerciaux régionaux sont appelés à se transformer sous les effets cumulés d’une saturation du marché, des lois sur la concurrence, des zones de loisirs et d’entertainment qui débordent sur les parkings et les temps de consommation des grandes surfaces. »

La ville franchisée, David Mangin

Il est donc temps pour ces grands groupes de proposer une nouvelle offre, plus en adéquation avec les enjeux de notre époque. Et cette redéfinition de la stratégie commerciale s’accompagne évidemment d’une restructuration de ces zones commerciales.

Ce qui est un problème pour la grande distribution devient donc une opportunité pour les urbanistes et acteurs de l’aménagement. Ils peuvent dorénavant s’approprier la question de l’aménagement des zones commerciales afin d’engager une véritable transformation de ces espaces dans le sens des enjeux de l’urbanisme contemporain : plus de densité, une meilleure gestion des sols, plus de mixité sociale et programmatique, favoriser les mobilités douces…

Quelques projets s’emparent de ce sujet : Reichen & Robert à Montpellier, LAN 35 à St Etienne ou encore OMA à Bordeaux…
Mais là aussi, la logique économique semble parfois prévaloir sur la qualité urbaine…