Passage Vandernotte

 » La base de la Reconstruction c’est l’îlot, ce n’est pas la rue. Et c’est l’assemblage des îlots qui, comme un damier, forme le plan.

L’îlot Vandernotte est caractéristique de ce que  la Reconstruction a produit et qui a aujourd’hui échappé à la ville. Ces îlots sont privés, ça c’est une première difficulté. Le cœur d’îlot est la copropriété de tous les riverains, ce qui  correspond  ici  à  150 ou 200 personnes différentes, sur plusieurs copropriétés elles-même. C’est une copropriété de copropriétés. Vous voyez ce que je veux dire en matière de discussion avec la ville. Avec les gens qui sont pour que ça évolue, ceux qui sont généralement majoritaires et qui ne sont pas pour, c’est un imbroglio juridique. »

 » Comme il faut reconstituer les copropriétés en fonction des valeurs du cadastre, les gens du front de mer d’avant-guerre sont retournés sur le front de mer, les gens des quartiers populaires se sont notamment retrouvés dans le quartier de la gare. Socialement, il n’y a pas eu de mixité. »

 » La logique des cœurs d’îlots de la Reconstruction c’est plusieurs usages.  Beaucoup  de  parkings,  de garages, parce que c’est une ville qui est reconstruite pour être adaptée à la voiture, qui est la grande conquête de l’époque. Mais il y a aussi la notion des cœurs d’îlots jardins. Ce que vous avez ici ce sont les vestiges d’un square qui était fait pour que les habitants aient un espace extérieur, séparé des voitures pour la sécurité des enfants. Là où le pick-up s’est installé, c’était un espace pour que les enfants puissent jouer. On a planté, ça devrait être un espace pour que les habitants aient une vie de quartier. »

 » Il y a quelques cas particuliers de cœurs d’îlots habités, c’est le cas ici. Le cœur d’îlot étant très grand, il a été construit. Ces maisons sont très intéressantes : on a les pièces techniques au Nord et un double niveau de loggias côté Sud, avec les jardins. Donc toujours le souci de l’orientation solaire qui est vraiment la marque de Le Maresquier. Les parties techniques sont en bas, les pièces sales, puisque le jardin est utilitaire dans la France des années 50. Il y a le garage, la souillarde. Au premier niveau vous avez généralement cuisine- salon-séjour et au second niveau vous avez les chambres. Il y a une hiérarchie à trois niveaux. »

 » L’intérêt de l’orientation solaire, c’est que les bâtiments ne se font pas d’ombre. Parce que la largeur des cœurs d’îlots correspond généralement à la façade couchée. Là on a un très bon exemple de la maîtrise par Le Maresquier de la course du soleil. »

 » La ville avait un projet de construction d’une résidence étudiante et voulait réaménager le cœur d’îlot pour que celui-ci soit respirant, il devait y avoir des accès piétons par le cœur d’îlot voisin pour rejoindre la gare. Rien ne s’est fait, la copropriété a refusé. Du coup elle est en cul-de- sac, très fermée. »

 » Ils ne veulent pas que la ville s’occupe de leurs affaires. Chacun fait ce qu’il veut. Vous avez vu qu’il y a un concessionnaire automobile à l’entrée, le type en fait il revend des voitures qu’il remet en état. Et il le fait là. Et que je te fais la vidange en off… En gros tout le monde utilise l’espace pour ses petits machins. Il y a quelqu’un qui a transformé des garages en salle de sport off. Il y a tout un imbroglio d’usages qui fait que les propriétaires préfèrent que la ville ne se mêle pas de ce qu’ils font. »

 » Là on a un bon exemple de l’exondation. Ce que vous avez là ce sont les maisons d’avant- guerre. C’est l’ancien niveau du quartier,  qui  a été remblayé. Aujourd’hui on descend dans ces maisons qui sont en contrebas de la voirie. »

 » Alors l’intérêt des cœurs d’îlots, très souvent, ce sont les jardins. Saint-Nazaire a la chance d’être une ville de jardins. Toutes les maisons de la Reconstruction ont des jardins, d’une moyenne basse de 250m². On voit la différence d’appropriation entre des copropriétés, numériquement très nombreuses, des règlements de copropriété imposés et par exemple ce genre de maison. Ce sont des maisons années 50, de famille, avec jardin et vous voyez comment elles sont appropriées. »

 » Cardurand/Gambetta sont les deux premières zones HLM de l’après-guerre en France. Construites avec les logiques Le Maresquier. Très important à dire : on a malgré tout une vision égalitariste. C’est à dire que les plus beaux immeubles reconstruitsqui sont ceux de l’avenue De Gaulle- et les immeubles HLM ont la même forme : Est-Ouest, Nord-Sud, balcons d’un côté, RDC + trois étages, cœurs d’îlots jardins. Et il y a très peu de logements par bâtiment. Ce sont des cités très soft par rapport à ce qu’il s’est fait après. »

 » On a des RDC marchands, c’est la notion de rue. La cité HLM sert à faire des rues. Finalement c’est une vision très moderne par rapport à ce que l’on refait aujourd’hui. »

 » On a ici un immeuble privé qui est beaucoup plus issu du mouvement moderne. Ce qui est très moderne, c’est le rapport à la lumière puisque l’immeuble est entièrement en façade libre. C’est à dire que le bâtiment tient par les murs de refend et par les piliers. Ça permet d’avoir des surfaces vitrées. Ce n’est que du remplissage. »

 »  J’ai  une  anecdote,  je  ne  résiste  jamais   à la dire :  j’ai  fait  plusieurs  fois  des  visites  sur la Reconstruction et j’ai eu notamment des Américains qui se sont installés en France, des Californiens. Ils ont choisi Saint-Nazaire parce qu’ils voulaient vivre dans une ville française traditionnelle. C’est drôle d’entendre que Saint- Nazaire est une ville française caractéristique. Mais finalement, pour des Américains, oui, c’est la ville basse, tout est avec des jardins, on va facilement chez les commerçants… Et c’est en fait la vision de Le Maresquier. Parce que Le Maresquier ne veut pas faire le Havre. Il ne veut pas faire une cité   sur pilotis, il dit qu’il veut faire une ville française classique. »

 » Ici ce sont les cœurs d’îlots cités-jardins. Derrière les grandes avenues on découvre une autre Saint-Nazaire qui est une ville de micro- quartiers. Ici ce sont de tout  petits  dommages de guerre, ces maisons étaient faites pour la population modeste, mais qui est quand même relogée en centre-ville. »

 » On voit comment ils ont fait un gigantesque sol artificiel. Il fallait raccorder la ville d’avant- guerre à la grande avenue. Ici c’était une sorte de petite placette avec l’escalier de part et d’autre, qui était notamment faite pour que les enfants  du quartier puissent jouer. Ça a été comblé dans les années 70 par des commerces. Du coup cette transparence qui était voulue entre l’avenue et des quartiers d’avant-guerre a été perdue, de même que l’usage. »

 » Ici on est sur un endroit très important de  la Reconstruction, du nouveau centre-ville, ce sont les Halles. Vous imaginez que dans la France des années 50 la grande surface n’existe pas. Donc  les Halles sont ouvertes tous les jours, ce qui  n’est plus le cas aujourd’hui, c’est trois fois par semaine. Les Halles sont vraiment le principal lieu de ravitaillement de la population, d’où la taille du bâtiment : 4000m², sans support intermédiaire. »

« Les Halles sont réalisées sur un système de voûtes à sheds cônoïdes. Ce sont des sheds qui ont une légère vrille. C’est pour l’orientation solaire. Quand vous êtes au milieu et que vous regardez côté Nord vous n’avez qu’une verrière, quand vous regardez côté Sud vous avez une voûte pleine. Parce que il fallait éviter que les Halles ne prennent trop la chaleur. Ce qui est génial aussi c’est que la forme des voûtes réverbère le son. Ce qui veut dire que quand vous entrez dans ces Halles c’est très feutré. Hors c’est une sacrée gageure, parce qu’une voûte de béton mal conçue ça peut être invivable ! »

 » Le sous-sol n’est plus utilisé pour des problèmes de mises aux normes qui seraient trop coûteuses, mais normalement on ne devrait pas voir de voitures puisqu’en fait le dessous des Halles est un parking. »

 » Le problème du centre-ville c’est évidemment le manque d’entretien de ces architectures des années 50. C’est un centre qui a été peu apprécié par les habitants, il y a une grosse nostalgie de    la  ville  d’avant-guerre.  Les  gens  ont  toujours  eu l’impression d’avoir été spoliés, ils estiment qu’ils ont été mal logés et très vite ceux qui ont eu les moyens ont basculé dans les  lotissements à l’Ouest, dans les années 70/80. Donc le centre- ville s’est paupérisé. »

 » Ce lieu est un exemple de ce qu’on peut faire avec les bâtiments des années 50. C’est un ancien garage, parce que les stations-service et les garages étaient en centre-ville avant. Il accueille aujourd’hui des créateurs, différents métiers, une compagnie de danse aérienne. Il y a 15 ans je pense qu’on l’aurait détruit et qu’on aurait construit un immeuble. Aujourd’hui le regard change et on récupère des formes de la Reconstruction pour en faire autre chose. C’est intéressant de voir comment on refait des lieux de vie. »

 » Ici c’était une partie un peu élargie qui servait de place centrale. De peur de cette grande avenue, la ville a inversé la logique des lieux. Le Centre République, que les Nazairiens appellent le Paquebot, a été construit  par  Vasconi.  C’est un endroit qui est intéressant dans l’histoire de l’urbanisme, parce que c’est vraiment une inversion des conceptions entre la France des années 50 et la France des années 80/90 : la France routière où l’on fait de grandes avenues assez monumentales, où on adapte beaucoup de choses aux voitures et la France des années 80/90, la France de ce qu’on a appelé les villes moyennes, la France des zones piétonnes. »