Trois grandes orientations pour l’îlot d’Ypres : traverses, sous-unités et densification horizontale

Suite à cette description de l’existant, des premières intuitions émergent quant à l’implantation. Toutefois, l’écriture d’un phasage en parallèle paraît rapidement nécessaire. Considérer que la mutation du parking se produise d’un seul coup n’est pas réaliste puisque les parcelles sont en indivision et que les témoignages recueillis montrent la volonté des habitants de privatiser l’impasse. Donc le projet propose un processus de densification à la carte : encourager la densification en impliquant les habitants, en s’adaptant aux situations, mais aussi tout en l’encadrant. En effet, le projet propose la quête d’un intérêt commun, qui s’inscrit dans le temps, pour passer d’une logique individuelle de divisions parcellaires à la définition d’un projet de quartier. Il se distingue du concept BIMBY ‘‘Build in my backyard’’ :

Ce concept ‘‘revendique de faire de l’habitant le maître d’ouvrage de son habitat et de produire des logements sur-mesure’’ avec ‘‘le recours au langage architectural générique de la maison individuelle, éventuellement teintée de régionalisme, qui fleurit habituellement dans les lotissements’’

ROBIN, Emilien ‘‘L’imposture BIMBY’’, Criticat, n°12, automne 2013.

L’inclusion des habitants dans le projet ne se limite pas à répondre mot pour mot à leurs besoins, ni à la simple adaptation des droits à construire. La recherche du processus de densification s’appuie sur des références de projet et la lecture d’un ouvrage La densification résidentielle au service du renouvellement urbain : filières, stratégies et outils. (TOUATI Anastasia, CROZY Jérôme, La densification résidentielle au service du renouvellement urbain : filières, stratégies et outils, Paris : La Documentation française, 2015).

Les grandes orientations du projet sont des intuitions d’implantation et de densification qui se déterminent à partir des tracés du parcellaire existant. D’une part, le projet propose trois lignes de passage transversales pour ouvrir l’îlot et le relier à son environnement proche. Deux lignes se conçoivent aux endroits où la croûte n’est pas bâtie au Nord et au Sud de l’îlot. Un autre axe se trace en prolongement de la rue de Stalingrad à travers les rez-de-chaussées de deux bâtiments : un garage, et la maison à vendre. Cette ligne connecte l’îlot directement au Paquebot et au projet Retour en ville, faire place au campus sur la place des Martyrs de la Résistance. Plus largement, ces cheminements insèrent l’îlot dans un parcours de mobilités douces à travers les îlots de la Reconstruction.

L’îlot ouvert : connexions avec la ville

D’autre part, des sous-unités de voisinage sont définies afin de hiérarchiser le cœur d’îlot. Les tracés du parcellaire et la configuration actuelle de l’impasse induisent un passage longitudinal, le partage entre les espaces constructibles et les espaces extérieurs communs. Ces derniers se verront attribués un service à proximité. Enfin, l’environnement existant et l’atmosphère intime du cœur d’îlot incitent à privilégier une densification horizontale en référence au travail d’Armand Nouvet à Saintes.

Armand Nouvet, Saintes, Lauréat Europan 3

Les parcelles ont une profondeur allant de 25 à 34 mètres. Les bâtiments existants implantés à l’alignement de la rue sont peu épais, 11 mètres qui permettent d’avoir des logements traversants. Le projet réfute l’hypothèse d’une surrélévation des parkings existants qui accroît le vis-à-vis, produit des séquences pleins-vides répétitives.

Séquences pleins-vides existantes

L’idée est de privilégier une implantation en lanière, le long des parcelles avec des bâtiments plus fins dont les ouvertures ne font pas face aux existantes. Construire dans l’étroit met en valeur la profondeur de la parcelle et le vide qui en résulte inclut toutes les gradations possibles du plus public au plus privé, en référence au projet de Sophie Delhay à Nantes.

Sophie Delhaye, Nantes, ZAC Bottière Chênaie

Les seuils communs des logements ainsi que les espaces partagés – buanderie, local vélo, atelier de bricolage – sont logés le long de ces interstices. Ces orientations architecturales et urbaines peuvent former un guide, une charte qui nécessiterait d’être traduite dans le Plan Local d’Urbanisme. Cette charte, fruit du travail collaboratif entre les habitants, les élus, l’architecte et les juristes sert de guide aux futures acteurs impliqués dans le projet de densification. Ainsi, ce processus de densification à la carte requiert une ingénierie réglementaire fine, la mobilisation de compétence pluri-disciplinaires : architectes, promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux, élus municipaux, juristes, artisans et ce dans l’espoir d’une gouvernance locale avec des acteurs publics et privés à armes égales.