Et si Tunis ? Belvédère et Cité-Jardins

Atelier écriture : Réflexion à partir de la question Et si Tunis c’était …

Et si Tunis c’était Genève ?

Et si Tunis c’était Genève ? Une ville avec un rôle médian dans la politique régionale voire internationale, appuyé par la situation géographique centrale de ce petit pays. Une lecture de la ville se concentrant plus sur notre transect, qui traduit une ambiance de quartier daté, quelques peu opulent, calme une fois sorti des artères principales, un quartier parcouru d’ambassades et d’institutions internationales. Sans parler du lac proche, une image surgit, celle de Genève, ou du moins une certaine caricature de Genève.

C’est une ville que je connais peu, je tiens à préciser, ici la Genève dont je parle est un certain aspect de cette ville, presque une image, une représentation que l’on se fait. Je ne détaille pas bien sûr que, et pour Tunis, et pour Genève, il s’agit d’une image partielle, incomplète, sélective volontairement. Ainsi j’oublie volontairement par exemple l’aspect financier de la capitale helvète, sans parler de l’aspect alpin.

On pourrait choisir de voir ce faisceau de ressemblance entre les deux villes comme l’embryon d’un chemin à suivre, d’un futur possible parmi tant d’autres. Un Tunis, ou du moins une partie de Tunis, opulent, calme et où il fait bon vivre, un idéal de confort urbain un peu bourgeois. Genève n’est elle pas une des villes les mieux réputées pour y vivre, si l’on en a le budget.

Mais justement, « si l’on en a le budget ». C’est peut-être la ville d’un certain idéal, idéal matériel, capitaliste du XXe siècle, avec ses inégalités, sa course au développement. La question se pose peut-être non pas de faire de Tunis une deuxième Genève, mais de faire de Tunis une deuxième version de Genève, considérant les enjeux actuels tel que la transition écologique, le changement du climat. La considération des inégalités, un aspect ici chauffé à blanc par dix ans de révolution et manifestations tunisiennes, sans parler de l’extension de ces enjeux aux pays voisins.

En bref une Genève du XXIe siècle.

Et si Tunis c’était un oasis ?

Nous avons une première vision d’une oasis comme un lieu de verdure entouré d’un terrain aride et stérile créée naturellement comme un miracle de la nature qui survit dans une situation extrême. Mais en réalité une oasis est un territoire créé par la main de l’homme et géré par lui-même. Plaque tournante dans le déplacement de population, un lieu de passage où se croisent différentes communautés, un repère où gravite plusieurs peuples de différentes ethnies migrant vers le Nord.

Elle peut avoir une fonction agricole et ainsi donner lieu à de la production de ressources. L’eau est amenée par des systèmes d’irrigation artificiels ou bien naturels par les nappes phréatiques. Nous pouvons retenir que l’Oasis se distingue dans son milieu par son emplacement et ses caractéristiques propres qui entraînent un contraste fort.

Dans le processus de renouvellement urbain initié par la France dans ses colonies d’Afrique du Nord, fut intégré les projets de « jardin tests » comme un processus réalisé auparavant dans l’embellissement des villes occidentales au XVIIIe. C’est à Tunis que le premier parc public du pays voit le jour en 1910, après 28 ans d’aménagement. Ce parc illustre la volonté de l’époque de réorganiser la ville à la manière occidentale. Aménagée par un étranger, et depuis l’étranger, sans considérations de la culture maghrébine. Malgré son artificialité, il devient jusqu’à ce jour le poumon vert de la capitale. Une oasis dans un milieu ultra urbanisé. Avec ses 230 000 arbres et autres plantes venant du monde entier, le parc est devenu un véritable patrimoine naturel au cœur de la capitale.

Cette colline n’a pas seulement un rôle écologique pour la ville mais elle a un impact sur les quartiers qui l’entourent. En effet, elle sépare deux entités fortes de la population, quartier populaire et milieu plus aisé. L’Histoire nous raconte que dans les années 20, l’urbanisme se développe à l’est de la Médina. Puis les premières usines et les premiers bidonvilles apparaissent, puis à partir des années 40, les bidonvilles s’installent vers le sommet de la colline Djebel Lahmar. Ainsi se développe un quartier de résistance et populaire. C’est aussi le début du quartier Lafayette, quartier prisé par la communauté Juive et occidentale la plus aisée. Ce quartier va progressivement influencé le quartier nord-ouest du parc par l’arrivé d’une population plus riche.

Cette colline est un territoire à protéger et à exporter dans la ville, ce aussi à l’échelle de la métropole. Par son climat aride, Tunis manque d’eau, de sources de fraîcheur. Et si le parc du Belvédère était une amorce du passé mais qui serait à réenclencher aujourd’hui pour reverdir la ville ? Et si le parc serait un point de départ pour renaturaliser le centre de la médina ?

C’est alors : « Et si Tunis devenait une expérience de renaturalisation ?»

Et si Tunis c’était une Cité-Jardin ?

Et si Tunis c’était une Cité-jardin ? La question paraît soit absurde et banale ; effectivement ce serait plus agréable avec des plantes partout, sans oublier que notre site est proche du parc du Belvédère, que les quartiers cossus alentours sont fournis en jardins, sans oublier le passé vert et champêtre d’il y a un siècle de tous ces quartiers, bref toutes les “évidences vertes” qui sautent aux yeux dès que l’on regarde une vue aérienne. Soit la question paraît hypocrite et publiciste : effectivement cité-jardin ça vend du rêve, entre un passé mythologique de cité ouvrière dépourvue de la connotation négative des grands ensembles plus récents, et un effet pseudo-greenwashing de faire des parcs, voies vertes et autres coulées vertes très vendeuses (notons que dans cette univers l’hiver n’existe pas, et que toute les plantes sont d’un vert vif pétant, l’Écosse mais où il ferait toujours beau).

Néanmoins ce serait s’arrêter aux clichés que de répondre ainsi à cette question. Ce qui m’intéresserai dans la notion de cité-jardin, c’est son aspect social, son idée de changement d’échelle dans la ville, son travail sur les espaces extérieurs -peu importe qu’ils soient verts- et les liens que cela créé, le tissu urbain ainsi formé.

Ou, rapporté à notre site, comment à la fois mettre en valeur des identités déjà présentes -les “évidences vertes”, les relier et les mettre en articulation, puisque certains quartiers sont incroyablement enclavés, soit par égoïsme (Mutuelleville) soit par abandon des pouvoirs publics (Djebel Lahmar). Bien sûr ici le but ne serait pas de faire du lien et du renouveau pour la forme, mais parce que cette mise en tension des différents espaces pourraient débloquer leur problème particulier : il faut briser l’isolement des auto-constructions de Djebel Lahmar ainsi que le manque flagrant d’équipements, quant à Mutuelleville on assiste à une progressive perte d’identité avec un urbanisme plus haut commençant à gagner la zone.

En bref une certaine idée de Cité-jardin.