Les canards ?

J’ai vu aujourd’hui l’agglomération de Saint Nazaire. J’ai mis longtemps à comprendre cet ensemble complexe de zones hétéroclites.J’ai vu une pénétrante, encadrée du bâti quadrillé de la ville centre.
J’ai senti la présence invisible de l’eau, la brutalité de son exploitation industrielle au travers des Grands Chantiers de l’Atlantique.
J’ai vu la hauteur des bâtiments surpassée par celle, luxueuse, des paquebots MSC.
J’ai vu l’océan, par hasard, au travers des grandes perspectives, et l’ai vu aussitôt disparaître derrière le bâti blanc.
J’ai vu la marque laissée par l’histoire. Le tracé rectiligne d’une reconstruction efficace autour des Grands Chantiers de l’Estuaire.
J’ai vu la connexion première, durable et économique de la ville avec son fleuve et la rupture contemporaine sensible d’avec son océan.

Alors,  

J’ai vu la transformation de la construction navale, le métal et l’acier remplacer le bois.
J’ai vu l’influence du territoire Nazairien s’étendre dans le plat pays de la Brière.  
J’ai vu des artisans et agriculteurs briérons trouver leur place dans l’industrie locale, associant leurs connaissances et leurs luttes à ceux venant de tous coins de l’Europe.  
J’en ai vu beaucoup prendre la route des Forges de Trignac pour alimenter la machine vorace d’un capitalisme nouveau.
J’ai vu les autres prendre le train de Nantes, proposer leurs connaissances et leurs services aux autres chantiers de la région, voguer, de port en port, de mer en océans.
J’ai vu les connaissances se lisser dans l’efficacité de la production contemporaine de masse.

Alors,

J’ai vu l’étendue d’eau du territoire, dans tous ses aspects. Paysage matrice du savoir-faire briéron et des possibles économiques.
J’ai vu les chalands, bateaux de bois à fond plat, construits pour les échanges commerciaux ancestraux.  
J’ai vu les lamaneurs nazairiens tirer les bateaux dans l’Estuaire ensablé de la Loire.
J’ai vu les gagneries investies des bêtes à cornes, se délectant de l’herbe grasse et salée de cette terre nourricière.
J’ai vu la tourbe extraite du sous-sol humide pour chauffer les maisons sur tout le territoire.

Alors,   

J’ai vu les marais remplacer la forêt, la fossilisation des végétaux, la sédimentation continue.
J’ai vu la mer avant l’eau douce, investir l’entièreté du paysage, ne laissant que quelques îlots surnageant.
J’ai vu la dépression Briéronne entre le sillon de Bretagne et la faille du Croisic, entre la Loire et la Vilaine.

Alors,

J’ai vu Saint Nazaire.